Un Requin à la dent dure

Tous les bateaux ont une histoire. Pour le 226, on peut même parler de saga. Arrivé en novembre 2005, à Noirmoutier, en provenance de Dakar, Pamaku a retrouvé son propriétaire d’origine. Récit d’une histoire de coeur…

En décembre 2002, comme bon nombre de personnes en manque d’iode et d’embruns à cette période de l’année, Jacques Ripoll se rend avec son père au Salon Nautique, Porte de Versailles, à Paris. Au détour des allées, ils découvrent le stand de l’Association Française des Propriétaires de Requin et le bateau d’un de ses adhérents. Le fils, surpris, ne peut que noter le regard brillant et juvénile de son père et la difficulté qu’il y a de le convaincre de poursuivre leur visite… Comme avec un enfant sur un manège, il est toujours question d’un ultime dernier tour !

Jacques Ripoll père vient de succomber au charme du Requin pour la deuxième fois de sa vie. En 1960, venu au Salon (qui se tenait à cette époque sur les bords de Seine…), il avait déjà craqué et était reparti avec le modèle d’exposition du stand Pouvreau. La superbe coque en acajou vernis prenait alors quelques semaines plus tard la direction d’Oran, en Algérie, où résidait Jacques Ripoll.

L’aventure semble ici beaucoup moins évidente : le bateau exposé sur le stand de l’AFPR n’est pas à vendre, et l’on s’achète rarement un Requin à 78 ans ! Pourtant, Jacques Ripoll fils a une idée un peu folle : puisque son père semble encore « mordu par le squale », pourquoi ne pas lui permettre de renouer avec ce quillard de légende et transmettre lui-même le virus à ses petits-enfants ? Mieux, pourquoi ne pas aller au bout de cette superbe « logique irrationnelle » en essayant de retrouver son Requin, Pamaku, le numéro 226 ?

Point de départ de l’enquête : Alicanthe, où le bateau quitta la famille Ripoll en 1964, vendu au Responsable du Port de Marseille. 18 mois de recherches actives et méthodiques seront nécessaires pour retrouver le bateau d’abord (dont on n’était même pas sûr qu’il existât toujours…) et le propriétaire ensuite !

Le premier sera retrouvé à Dakar et, quelques mois plus tard, le second, Monsieur Cossalter, sera localisé près de Port-la-Nouvelle ! En fait, depuis la fin des années 60, Pamaku était à Dakar où il avait été basé par son troisième propriétaire, Monsieur Riddel, Ambassadeur du Canada au Sénégal. Rappelons que Dakar fut la principale flotte de Requins avec une trentaine de bateaux (dont beaucoup à la Marine Nationale), régatant presque chaque fin d’après-midi dans une belle brise thermique. Pamaku connaîtra un autre propriétaire avant d’être racheté à la fin des années 70 par Monsieur Cossalter, un important exploitant forestier de la région de Dakar.

« Je pense que c’est ce qui a sauvé le bateau car, lors du gros chantier effectué à Dakar dans les années 80 au Sénégal, les meilleurs bois disponibles ont été sélectionnés puis utilisés. Le soin du détail n’était visiblement pas la priorité des charpentiers mais ce qui compte, c’est la qualité de l’acajou utilisé qui fait que la structure et les bordés sont aujourd’hui parfaitement sains malgré ce qu’a connu le bateau ces dernières années » explique Jean-Charles Martineau, directeur du chantier Charles Marine en charge de la réfection de Pamaku.

Moins au fait des bateaux en bois, Jacques Ripoll fils avoue avoir connu un léger moment de doute en découvrant les premières photos du bateau : « Resté seul à l’eau pendant trois ans à Dakar avec comme seul soin, un carénage annuel, c’est vrai qu’il faisait plus peur qu’envie. Mais dès que l’on a été rassuré sur l’essentiel, je ne me suis plus posé de questions ! »

« Nous souhaitons remettre Pamaku dans son état de neuvage pour une mise à l’eau avant l’été ! Mes enfants pourront ainsi naviguer avec leur grand-père sur un bateau qui a miraculeusement retrouvé sa famille… et qui n’est pas prêt de la requitter j’espère ! » poursuit Jacques Ripoll.

En attendant cet événement qui s’annonce riche en émotions, les travaux ont commencé et sont finalement moins lourds que prévus : reprise de l’ajustage de toutes les varangues, doublage de 6 membrures, remplacement du rouf par un neuf construit selon le modèle Pouvreau, aménagements intérieurs, changement du CP de pont entre le tableau et la barre et ponçage du pont avec reprise de quelques joints défaillants. Bien peu de choses en fait pour un bateau riche d’un tel sillage : c’est bien connu, les Requins ont la dent dure ! Et celui qui s’offre une cure de jouvence à Noirmoutier n’est pas le moins représentatif de l’histoire de la série.

Y.-Y. Corlouër

8 commentaires sur “Un Requin à la dent dure

  1. Que d’émotion !

    Mon père était propriétaire du Triton FR 170 qu’il avait racheté à Mr Saint Pierre en 1960 et nous étions bord à bord avec PAMAKU sur la première panne à droite au CVO (Cercle de la voile d’ORAN).
    Je suis sorti quelques fois sur le PAMAKU, mais c’est TRITON qui me manque.

    Merci de transmettre mes amitiés à la famille Ripoll.

  2. Je confirme. Le “Triton” était cher à notre coeur, et sera irremplaçable pour nous. Il y avait encore récemment un Requin (en bois) à Ste Maxime (83). Son propriétaire l’utilisait très souvent. La dernière fois que je l’ai vu, il était à quai, avec un panneau …”A Vendre”. J’avoue que je suis passé devant non sans nostalgie et … tentation.

  3. Amoureux du requin,
    je pars cet été travailler à l hopital principal de Dakar,
    je souhaiterais savoir si la flotte est encore présente?
    si vous avez des contacts merci de m informer.
    sinceres salutations

  4. Bonjour,

    malheureusement, le Requin a Dakar ne semble plus qu’un lointain souvenir. Il n’y aurait plus d’unité sur place. En revanche, s’il vous arrivait d’en voir au moins un sur place et de rencontrer d’anciens requinistes locaux, alors n’hésitez pas à nous le faire savoir. Il y aurait certainement matière à article pour le site de l’association.

    Bon vent à Dakar !

    Stéphan

  5. Bonjour,

    Naviguant à Dakar depuis 3 mois; aux alentours de la pointe de Bel-air et de la baie de Hann;je n’ai hélas pas vu un seul requin pointer son étrave. Il fût un temps où la marine à Bel-air en possèdait quelques uns, mais le dernier à coulé il y a quelques années.

    Bon vent à tous

    Laurent

  6. Bonjour Laurent,

    merci pour cette info. Avez-vous la possibilité de savoir quel Requin a coulé ?

    A bientôt !

    Stéphan

  7. En 2000, il y avait encore 2 requins dans la baie de Hann. L’un que j’ai toujours connu immobile au mouillage, l’autre le dernier survivant de la marine nationale, éperonnée par une pirogue de retour de pêche a été mal réparé (faute de compétence sur place)et a définitivement coulé 3 ou 4 ans après. Il a porté le n°176, mais nous récupérions pour lui toutes les gardes robes encore présentes au club et dans la baie de Hann. Que de bon souvenir sur ce 176 !

  8. Bonjour à tous..
    que de souvenirs de cette époque 76/79 à Dakar..
    nous avions “alizé”, N) 283 de chez Pouvrau..j’espere qu’il navique toujours….
    le 176, requin bleu de la marine nationale,nous le connaisions bien,( il nous talonnais souvent)…. je crois que le Skipper etait barbu…lol
    Dans vos dossiers, vous parler de Solveig..il y an avait de ce nom à Dakar, dont le proprietaire etait M.Goenvec..
    bref..mon rêve est de renaviguer un jour sur un requin..j’habite Cholet..donc si…
    bon vent à tous
    Requinistement Votre

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