La résurrection du Requin 130 racontée par son propriétaire

C’est l’histoire de St-Thomas, qui n’a pas navigué depuis des années. Racheté par un artiste peintre, bricoleur et amoureux du Requin, ce bateau devrait revoir la mer cet été. Son propriétaire, Manrique Soler, nous raconte ses mois de labeur en solitaire. Ou plutôt ses années…J’ai acheté le 130, à Ouistreham en juin 2003. Il était vendu complet, à restaurer, coque saine. Je suis devenu alors le 5ème propriétaire d’un Requin importé de Finlande. Probablement l’une des dernières unités sorties des chantiers Abö.

Le Requin étant tout simplement exceptionnel dans ses lignes et ses caractéristiques, j’en suis tombé littéralement amoureux, il y a longtemps déjà. Et en 2003, je n’ai fait que concrétiser un vieux rêve – presque de gamin – qui me hantait.

Des surprises

Depuis 2003, j’ai travaillé sur St-Thomas tous les dimanches matin, presque sans exception, et une bonne partie de mes loisirs, en période de vacances. Et à compter de septembre dernier, deux matinées par semaines.

Au chapitre des travaux, il a fallu d’abord procéder au nettoyage, décapage, ponçage complet, extérieur et intérieur, de la coque, de la quille et du lest. Et là, surprises !…

La coque est calfatée !  Les boulons des varangues, du lest, les équerres de renforts sont complètement attaqués par la rouille. Le brion est pourri. Toute la charpente de pont est à refaire avec des bouts de barrots manquants. Le bois des bordés de pont est totalement desséché et casse sous les pieds. Quasiment toutes les membrures sont fendues et – oh ! surprise finale – le lest est fendu au niveau du 2ème boulon avant…

Ce qui me fait dire que lors de ces dernières sorties, le 130 devait être très souple de coque, vraiment pas agréable, plus que pas étanche et vraiment très très fatigué. Seules les lignes de coques ne présentaient pas vraiment de déformation, les bordés, dont certains étaient déjà remplacés, étaient sains ainsi que la quille après sondage par perçage.

Bon nombre de travaux

Bref, il n’y avait plus qu’à ce mettre au travail. Au menu :
– décalfatage
– rectification des bordés abîmés avec pose de flipots et collage des bordés à la colle PPU et resserrage des rivets
– dépose du brion et fabrication d’un autre en chêne dans l’atelier d’un menuisier, l’ancien ayant servi de gabarit
– dépose du Lest ressoudé en atelier par un professionnel
– remplacement des boulons de varangue (plus difficile que les boulons de lest) et du lest par des boulons inox
– doublage de la totalité des membrures après collage à la PPU des fentes sur les originelles
– dépose du pont et charpente en conservant le rouf , les hiloires
– réfection complète de la charpente de pont, doublage de la vaigre, utilisation d’équers de renfort du rouf et du cockpit et pose d’un pont en contreplaqué marine tébolux de 18mm
– remise en état de la crapaudine, renfort du lien coque-quille avec fibre 350gr/m2 3 bandes, refixation des cadènes, etc.

Et encore, je passe sur bon nombre de travaux.

De la mousse pour rigidifier

Ensuite ? Eh bien ensuite, une fois extérieur et intérieur traités au fongicide et laissés à nouveau en séchage, les bois sont imprégnés de résine époxy puis recouverts de 2 couches fines (pour le poids) croisées de fibre de verre en 100gr/m2 résiné finition gelcoat en exterieur, sur coque, quille et safran, qui lui est déposé.

A l’intérieur, doublage après imprégnation des bois avec une couche de mousse expansive dont l’épaisseur est recoupé légèrement supérieur aux membrures et pose d’un contreplaqué marine de 3mm sauf à l’extrême partie avant et arrière et ré-injection de mousse pour unifier l’ensemble.

Les plaques du couchage avant sont fixées et le volume sous couchage est injecté de mousse sous pression afin d’augmenter, au point faible du requin, la rigidité latéral de l’avant. Le contreplaqué du pont est lui aussi imprégné de résine en multi-couches diluées.

L’ensemble complet, extérieur et intérieur, est fini en couches de peintures puis en multiples couches de vernis.

En motorisation, à l’origine il était prévu, en option, une motorisation latérale bâbord que j’ai reconditionnée à tribord avec chaise amovible et moteur Seagull 6,5 CV.

J’ai essayé dans la mesure du possible de conserver le maximum de pièces d’origines bois, accastillage, visibles, en regrettant le mât alu que j’ai conservé avec ses 2 voiles mylar parce que le tout était en état quasiment neuf. Mais je ne me suis donné aucune limite de travail et de matériaux concernant l’étanchéité et la rigidité du St Thomas et j’espère que le doublage intérieur ne gène en rien le règlement de construction du requin. De toutes manières, son utilisation ne sera, dans la majorité des cas, que pour des croisières en solitaire.

La clé de la réussite ?

Attendons que le St Thomas rejoigne sont élément, mais si j’ai un conseil à donner, c’est de ne pas précipiter le but à atteindre et d’essayer de prendre du plaisir dans le reconditionnement en laissant passé les moments de baisse d’énergie sans prendre de décision hâtive.

Personnellement j’ai failli par deux fois vendre mon Requin, mais maintenant j’ai trouvé ma solution. Je me suis offert un Fireball et je prends un peu de temps de la restauration pour tirer quelques bords puis au boulot… Il me faudra encore 2 à 3 ans pour atteindre le but que je me suis fixé soit environ 10ans de restauration .

Concernant les connaissances nécessaires à une telle restauration, il faut prendre le temps de bien s’informer, par les moyens habituels, que sont les revues, les livres spécialisés, l’AFPR et les professionnels. Pour la mise en œuvre amateur, il ne faut pas hésiter à faire toujours des essais avant de travailler directement sur le Requin. Ca évite quelques erreurs qui peuvent être coûteuses ou même fatales.

Je suis dans le Finistère depuis fin 2001 mais je ne suis pas Breton . Je me suis installé ici, pour une partie, dans le but de réaliser ce projet. Le port d’attache du 130 est Brest et la mise à l’eau se fera non loin.

Merci pour votre site et à l’AFPR  et, je le reconnais, je devrais être plus assidu aux cotisations qui sont méritées.

Manrique Soler
Propriétaire du 130 – St-Thomas
www.manrique-soler.com

8 commentaires sur “La résurrection du Requin 130 racontée par son propriétaire

  1. Bravo et respect pour la qualité du travail.
    Encore un “beau bois” qui revit et remet de l’esthétique dans un monde qui en a bien besoin !
    Je monterai à Lorient en août, je pousserai bien jusqu’à Brest pour admirer le St Thomas… histoire de voir pour croire moi aussi.
    Merci de me dire si vous y serez et où vous serez.

    Hervé GERARD.
    Jovibelo II (N° 345)

  2. Confirmez quelques jours avant votre venu en Août et je me ferai un plaisir de vous présenter le 130 qui se trouve à Landerneau , à côté de Brest .

  3. Chapeau bas Monsieur Manrique Soler!!!

    Ce n’est plus de l’amour.. mais de la rage.

    Admirable avec un vrai résultat.

    Que vos navigations soient à la hauteur de vos efforts.

  4. Je suis impressionné par le travail que vous avez effectué car j’ai également un requin en restauration. Je me sentais un peu seul dans ce projet “démesuré”.

    Le fait de voir la qualité fournie de votre travail me rassure et m’encourage à continuer. Je suppose que vous avez du rencontrer des oppositions de la part des “puristes” à remplacer les calfats par des flipots ? Je dis cela car j’ai entendu de nombreux sons de cloches différent à ce sujet.

    Si vous êtes d’accord, j’aurai passablement de questions techniques à vous poser au sujet de la restauration de votre magnifique St-Thomas.

  5. Bonjour,

    merci pour votre contribution sur le site de l’AFPR. Une précision toutefois : la coque du Requin n’est pas une coque calfatée à l’origine. Ce n’est donc pas une hérésie technique que d’avoir recours au flipotage. De nombreux propriétaires l’ont déjà fait. D’ailleurs, restez en veille, vous aurez l’occasion de lire et relire un article sur les flipots que nous avions déjà publié sur l’ancienne version de notre site.

    A bientôt !

    Stéphan

    PS : quel est le nom de votre bateau ? Quel est son numéro ?

  6. Ce site étant la référence qui regroupe les informations importantes concernant le requin , je pense qu’effectivement il serait judicieux , pour l’animation , d’édité de temps en temps en première page des articles comme ceux du journal annuel : réglages des voiles , la chévre de mise en place du mât , ou le flipotage , etc et merci encore à vous pour tout ce travail .

  7. Bravo,

    et toutes nos félicitations pour la restauration de St Thomas. Maintenant qu’il est presque prêt à naviguer, en tant qu’organisateur du NATIONAL REQUIN à l’AFPR, je t’invite à participer à cette épreuve très conviviale du 4 au 07 août prochain à la Trinité.

    Tu y retrouveras des compétiteurs acharnés, des amateurs plus ou moins éclairés dont je fais partie, le tout dans une ambiance de passionnés qui ne demandent qu’à partager leur attachement à cette merveilleuse coque qu’est le Requin.

    A très bientôt et longue vie à St Thomas.

    Gilles Marchand

  8. Bravo pour cet ouvrage patient et tenace et pour le splendide résultat.
    Votre récit me fait revivre la restauration du n° 42 que j’ai effectué dans les années 80.
    Pour la membrure, j’avais doublé celles cassées en lamellé.
    Pour l’étanchéité du bordé,j’ignorais la technique du flipotage et j’avais fait calfater la coque par un des derniers calfats de Concarneau. Mais cela n’a pas été bon pour la coque qui a travaillé par la suite.
    Depuis le bateau a changé de propriétaire, puis a coulé.
    La technique d’imprégnation epoxy et moussage des fonds est certainement excellente pour chasser l’humidité des recoins de la charpente.

    La joie de voir son bateau naviguer après tant de travaux est indicible !

    Bon vent !

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